Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Blog des Militants Communistes d'Arras

Blog de la section du Parti Communiste d'Arras. 14 avenue de l'hippodrome 62000 mail: arraspcf@gmail.com

La malbouffe, une perversion du capitalisme

La malbouffe, une perversion du capitalisme

Il y a fort longtemps maintenant que je voulais traiter, sans être un spécialiste de la question, mais parce que le phénomène me frappe fortement et qu’il devient un problème de société comme on dit, de la question de la malbouffe. En effet, alors que je passe des heures dans les grandes surfaces pour faire le choix de mes produits, regardant avec soin leurs provenances, le tableau énergétique de ces derniers, les éventuelles appellations contrôlées, je remarque mécaniquement ce que déversent sur les tapis roulants de la caisse les clients qui m’entourent. Soda, produits transformés, sucre, sel à outrance … Les comportements alimentaires sont tels qu’ils posent d’importantes problématiques de santé publique. Obésité, diabète, cholestérol, maladies cardio-vasculaires … Les chaînes de restauration rapide tournent à plein régime, les produits à réchauffer au micro-onde, bourrés de sucre et souvent de sel, connaissent un succès populaire indéniable et les comportements addictifs et à risque explosent.

Il y a peu, des médecins américains publiaient une enquête alarmante pour dénoncer les effets dévastateurs du Coca Cola qui cause des milliers de cas de Cirrhose outre-atlantique. La stéatose métabolique non alcoolique (NASH), est le résultat d’une consommation anormalement élevée de sucre qui a pour conséquence de rendre le foie « gras ». L’enquête estime que 20 % de ceux qui en souffrent peuvent contracter une cirrhose et même un cancer du foie. Le phénomène est tellement grave que l’OMS a du publier des recommandations appelant à limiter la consommation de sodas, y compris light qui habituent le palais aux saveurs sucrées.

Autrement dit, la grande distribution, main dans la main avec les géants de l’agro-alimentaire, nous empoisonnent en toute légalité et nous encouragent même à la consommation de masse via la publicité et des techniques de marketing de plus en plus élaborées et novatrices. Souvenons-nous du scandale révélé par Élise Lucet sur le jambon, piqué au nitrite de Sodium pour lui donner cette belle couleur rosée. Le problème du nitrite de sodium c’est qu’il peut être responsable du cancer colorectal. Les dangers sont connus mais les publicitaires savent bien que le gris naturel de la viande de porc ne permettrait pas de vendre aussi bien le jambon.

Sur l’échelle de la morale piétinée, que dire de ce lien évident entre le prix et la qualité du produit. En effet, plus un produit est accessible par son prix, plus il est dangereux car de qualité discount. C’est l’ouvrier chez Lidl ou Aldi et le cadre supérieur dans les nouveaux magasins bio à la mode. La luttes des classes jusque dans les assiettes.

On pourrait donc se contenter de cet état des lieux, le dénoncer, multiplier les complaintes et autres offuscations. Mais il me semble qu’une analyse politique plus fine s’impose. Cette logique ne tombe pas du ciel ou n’est pas inhérente au progrès ou à je ne sais quelle évolution de société contre laquelle on ne peut rien.

Dans La situation des classes laborieuses en Angleterre publié en 1845, Engels évoque déjà ces travers et revient sur un phénomène bien connu à Londres concernant la qualité du pain où on allait jusqu’à mélanger la farine avec du plâtre pour réduire les coûts de production. Engels et Marx évoquent ce phénomène en le liant à la théorie de la valeur, colonne vertébrale de la pensée marxiste. Parce que le capital cherche à diminuer la valeur de la force de travail, il lui faut agir pour faire baisser la valeur des produits nécessaires à la vie, à la reproduction sociale. Vous admettrez que le phénomène devient donc éminemment politique. La standardisation alimentaire, la substitution du modèle agricole traditionnel par l’industrie agro-alimentaire en même temps que la constitution d’un capitalisme industriel avec de fortes concentrations ouvrières urbaines, répond à des logiques propres au capitalisme. C’est l’articulation prouvée entre les salaires, les prix et les profits.

Ainsi, batailler aujourd’hui pour défendre une agriculture raisonnée, pour fermer les gigantesques exploitations hors-sol, pour revenir à des circuits-courts, pour un retour au modèle coopératif voire à des modèles de planification publique, n’est pas une posture bobo ou une préoccupation secondaire, c’est le cœur de la lutte anticapitaliste en réalité. C’est sortir des logiques d’exploitation et de rentabilité, c’est se réapproprier notre modèle de consommation priorisant la qualité, la préservation des ressources, la santé publique et l’épanouissement personnel.

Les communistes doivent donc impérativement se saisir de cette question et lancer de grandes batailles populaires de sensibilisation, d’explication et aider à la création de modèles alternatifs. Le marxiste que je suis ne croit pas à la loi de l’exception ou de l’îlot de résistance. Il faut évidemment soutenir l’expérimentation et l’initiative individuelle mais il faut surtout faire de la politique à grande échelle et mettre du contenu dans les batailles à construire.

Le refus de l’Europe, parce que l’anticapitalisme ne peut plus faire l’économie de cette étape, peut aussi prendre ce chemin-là par exemple. Si certains sont frileux sur les questions de souveraineté notamment monétaire, alors peut-être comprendront-ils à quel point l’Europe a été un vecteur d’accélération de ce modèle industriel. La création d’une série de normes autoritaires ont poussé à la disparition de petites et moyennes exploitations agricoles partout en Europe pour favoriser des structures de type industriel à coup de milliards de subventions. L’Europe est aujourd’hui un espace de coopération économique tel que l’imaginaient les américains à la sortie de la seconde guerre mondiale. Il fallait pouvoir doper le modèle capitaliste industriel pour détourner le regard vers l’ouest et ne pas se laisser aller à la tentation du communisme très fort notamment en France et en Italie. Cela a donné les fameuses 30 glorieuses. L’industrie a été gourmande en main-d’œuvre qu’il fallait pouvoir nourrir. Le capitalisme s’inscrivant dans des logiques de rentabilité et de recherche permanente du profit, a donc édifié ce modèle alimentaire. L’Europe a permis l’universalisation de ce dernier à court-terme.

Je ne peux ici m’empêcher de valider la prophétie clouscardienne de néo-fascisme. En effet la grande perversité du modèle est d’allier les logiques de rentabilité et de profit du capital avec une servitude par le désir en poussant à la consommation de masse via l’exaltation des affects. S’il fallait faire un brin d’humour sarcastique, nous dirions sans doute que les publicitaires seraient les premiers sélectionnés pour la guillotine. La grande force du modèle est de pouvoir psychologiquement retourner la culpabilité sur les consommateurs eux-mêmes. Car oui, à l’heure de la glorification du parcours individuel, fruit pourri post-soixante-huitard, chacun est responsable de son comportement et de ses actes, vertueux ou vicieux. Si un consommateur consomme mal, c’est évidemment de sa faute. Il n’est pas, bien sur, conditionné à le faire.

Alors, je me permettrais une relecture prosaïque de Voltaire. Cultivez votre jardin camarades-citoyens. Passez du temps dans vos jardins, plantez vos légumes, faites vos graines, arrosez avec délicatesse et soin vos fruits et légumes. Si vous le pouvez, faites plaisir à votre entourage en distribuant vos salades, vos tomates. Encouragez vos amis, votre famille à en faire autant. Buvez de l’eau, un bon vin avec modération, avec vos amis. Faisons de l’éducation à grande échelle dès le plus jeune âge à la nourriture saine, au partage de la terre et de ses bienfaits. Et puis surtout réédifions collectivement la politique du commun (voilà qui fera plaisir à Pierre Laurent). Une réappropriation de la terre, la sortie du modèle agricole des standards industriels, du capitalisme, une politique nationale de santé publique volontariste comme le font les cubains. C’est en cela que le communisme est définitivement une idée neuve.

Guillaume Sayon

 
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article