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Blog des Militants Communistes d'Arras

Blog de la section du Parti Communiste d'Arras. 14 avenue de l'hippodrome 62000 mail: arraspcf@gmail.com

Régionales: Interview de Fabien Roussel par Daily Nord

Fabien Roussel, PCF-Front de Gauche : “Il faut subvertir les institutions”

En 2004, Fabien Roussel lançait une affiche pendant les cantonales : « Je vote communiste et je t’emmerde ». Une décennie plus tard, le quadragénaire vote toujours communiste. Ça tombe bien, il est la tête de liste du Parti Communiste et du Front de Gauche en Nord – Pas-de-Calais/Picardie. Interview.

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Fabien Roussel, candidat pour le Front de Gauche (moins le Parti de Gauche) aux Régionales Nord – Pas-de-Calais/Picardie. Photo : DailyNord.

DailyNord : C’est votre première campagne en tant que tête de liste aux Régionales. Qu’est-ce que ça change ?

Fabien Roussel : Je connais quand même les régionales. En 2004 et 2010, j’étais dans l’équipe de campagne d’Alain Bocquet (tête de liste, Ndlr). J’avais déjà bien sillonné la région, vu ce que représentait une telle campagne. Mais de le vivre personnellement et au coeur, c’est différent. C’est d’une intensité rare, on reçoit beaucoup, et ça permet de porter le combat de toute une région. Et une grande région.

DailyNord : Il y a dix ans, lors d’une campagne des cantonales, votre slogan était « Je vote communiste et je t’emmerde ». Va-t-on avoir le droit à un slogan de ce type cette année ?

Fabien Roussel : L’affiche avait été faite par Charb, un copain (dessinateur de Charlie Hebdo, assassiné pendant les attentats cet hiver, Ndlr). C’était provocateur, mais déjà à cette époque, je ressentais beaucoup de colère. Il y avait une forte désindustrialisation avec des emplois supprimés à Metaleurop (Noyelles-Godault), à Altadis (Lille, ex-Seita). En 2015, je porte toujours cette colère aussi fortement et je la ressens aussi fortement de la part des gens que je rencontre.

DailyNord : Quelle est cette colère ?

Fabien Roussel : Il y a un ras-le-bol généralisé, une colère sourde et profonde. L’emploi toujours, mais aussi le pouvoir d’achat, et également un rejet de la politique, des responsables politiques, des tricheurs. J’entends et je comprends cette colère. Si je m’inclus dans les responsables politiques ? Je prends ma part, mais je me sens complètement libre de pouvoir répondre : nous n’avons jamais voté pour les lois et les traités européens qui conduisent aujourd’hui à cette situation. Nous avons été clairs et droits dans nos bottes. Cette colère, on peut la comprendre et je peux la porter. Quand des retraités ont moins 10% de pouvoir d’achat, nous devons agir. Quand les employés en CDD ou en intérim ou encore avec de bas salaires ne sont pas respectés, il faut agir. Ce n’est pas une compétence régionale, allez-vous me dire, mais il faut subvertir les institutions.

“Le conseil régional peut aller plus loin que ses compétences”
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Marisol Touraine l’a échappé belle. Fabien Roussel, président de Région, aurait fait le siège du ministère. Photo : DailyNord.

DailyNord : Subvertir ?

Fabien Roussel : Le conseil régional peut aller plus loin que ses compétences. Je m’explique. Il y a des richesses qui existent pour sécuriser les retraités, les employés en CDD ou en intérim, pour accompagner le retour à l’emploi. Notre région est la troisième plus riche de France avec 150 milliards de PIB. Mais où va cette richesse ? A l’Etat par l’impôt, la TVA, taxes et compagnie, qui le redistribue mal. Très très mal. Par exemple, le CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) devrait être redistribué aux entreprises ici qui en ont besoin. Et non aux entreprises qui versent des dividendes aux actionnaires, qui font des bénéfices. Gérard Mulliez (Auchan, Ndlr) m’a dit qu’il touchait 200 millions d’euros de CICE, mais qu’il n’avait rien demandé. Vous imaginez si on peut redistribuer le CICE d’Auchan, d’Alstom, de Bombardier, de Renault… Les vingt-huit familles les plus riches de la région cumulent 77 milliards d’euros de patrimoine. Alors que les sous-traitants, les petites PME, on leur demande de travailler avec des conditions de plus en plus dures.

DailyNord : Mais concrètement, vous faites comment ?

Fabien Roussel : On doit peser en tant que région, montrer ce qui est injuste. On doit se faire respecter. Et monter à Paris devant les ministères, leur dire que ça suffit. On dépense 2,2 milliards en allocations Assedic, 600 millions d’euros en RSA, avec 1 milliard d’euros du CICE, on peut créer de vrais salaires avec des CDI, réinvestir. Les grands groupes ne sont pas fermés à ça, il ne faut pas le croire.

DailyNord : Aller à Paris pour peser, donc…

Fabien Roussel : Comme dans d’autres dossiers ! Regardez la CARSAT, c’est un vrai scandale. Des jeunes retraités sans pension, c’est inadmissible. En plus,  on leur inflige la double peine car, une fois leur retraite régularisée, il devront payer des impôts qu’ils ne devraient pas payer. Pour le coup, Marisol Touraine (Ministre des affaires sociales, de la santé et du droit des femmes ndlr) qui paie l’ISF, mériterait de perdre son chemisier, car la colère est la même chez ces retraités qu’à Air France. Là encore, la République doit traiter respectueusement notre région. Donc, en tant que président de région, j’aurais fait le siège de son ministère et j’aurais détaché des fonctionnaires pour régler les dossiers. Après, j’aurais envoyé la facture à Marisol Touraine. Une région doit savoir se faire respecter.

DailyNord : La CARSAT, c’est donc votre première décision en tant que président de Région ?

Fabien Roussel : L’un des premiers sujets. La première chose, c’est d’arrêter l’hémorragie d’emplois, avec un moratoire sur les plans sociaux de la région. S’il n’y a pas de repreneur des entreprises en difficulté, la Région crée les conditions pour rentrer dans le capital des entreprises dans des secteurs stratégiques pour notre territoire. Il faut relancer l’activité industrielle de la région via un fonds d’investissement régional public permettant d’intervenir directement dans le capital des entreprises. Vous me direz que ça devrait être le rôle de la BPI (Banque publique d’investissement) mais elle ne fait que dans les entreprises qui vont bien ou sont dans l’innovation. Avec 6 millions d’habitants, nous avons la taille pour répondre aux problématiques des entreprises en difficulté et créer cet investissement.

DailyNord : Si on comprend bien, vous étiez pour la fusion ?

Fabien Roussel : Non, j’étais contre cette réforme territoriale, notamment quand elle vise la concurrence entre les régions françaises et européennes, privant les états de leur souveraineté et de leurs prérogatives. Mais aujourd’hui, elle est actée, il faut faire de cette fusion un atout. Et six millions d’habitants, c’est plus grand que le Danemark ou que l’Irlande, ça compte. Nous voulons que cette région reprenne son destin en main.

“Il est inadmissible que les Picards du Sud soient transportés comme du bétail”

DailyNord : Au rayon Transports, vous faites quoi ?

Fabien Roussel : Aujourd’hui, il y a deux points. Le désengorgement des autoroutes et la qualité des transports. Les deux régions ont deux conventions TER qui s’élèvent à un demi milliard d’euros, mais il est urgent de redéfinir les choses, via une seule convention en harmonisant par le haut. Il est inadmissible qu’à Chateau-Thierry et Creil, en allant vers Paris, les Picards soient transportés comme du bétail. Nous demandons le triple A : Assis, A l’heure, Avertis. Les usagers sont prêts à payer pour être transportés. Si le service est rendu. Dans le domaine des transports publics, il faut aussi plus de dessertes des zones rurales avec des lignes intervilles, ce qui concerne plus la Picardie.  Je veux donc que la SNCF joue son rôle et garantisse un minimum. Je refuse aussi la suppression des lignes inscrites dans le rapport Duron, signées rappelons-le par les partis de Xavier Bertrand, Pierre de Saintignon et Sandrine Rousseau. Je refuse le transfert de nouvelles lignes à la région, la SNCF ne doit pas se désengager.

DailyNord : C’est facile à dire…

Fabien Roussel : Je peux vous dire que si demain le président de Région va à Paris et entraîne les usagers avec lui, il y aura du monde. On ne va pas se contenter de frapper aux portes de Guillaume Pépy ou du Ministère des Transports. C’est en demandant que l’on arrive à obtenir. La Région doit aussi se recentrer sur le coût des transports collectifs. Et notamment offrir la gratuité pour les scolaires jusqu’à l’université, ainsi qu’en période de pics de pollution pour tous.

DailyNord : Vous êtes d’accord sur le récent vote concernant le RER Lille-Bassin Minier ?

Fabien Roussel : Il y a des investissements dont on a besoin. Cette liaison bassin minier, nous y sommes favorable, mais avec opérateur et partage des coûts. Comme nous sommes pour une troisième gare à Lille, qu’elle soit à Seclin ou avec l’agrandissement de Lille-Flandres. C’est un investissement qui doit être également partagé. C’est une priorité, car si il y a une nouvelle gare, on peut augmenter le cadencement. Donc, il n’y a pas forcément besoin d’une nouvelle voie…  Donc, pour le RER, je suis pour la poursuite des études, car il faut augmenter la capacité des transports. Mais peut-être qu’on peut doubler l’existant, en tout cas le renforcer.

Bio express

À 46 ans, le père de trois enfants (de 14 à 20 ans) n’est pas un inconnu dans le monde politique. Le natif de Béthune suit Michelle Demessine depuis de nombreuses années, en étant son attaché parlementaire. Il l’a également suivie au ministère du tourisme, sous Jospin. Celui qui a tâté un peu de journalisme télévisé avant de se lancer en politique (à France 3 Champagne-Ardenne notamment) est élu à Saint-Amand-les-Eaux en charge de la culture, sous la férule d’Alain Bocquet, qu’il a régulièrement accompagné dans ses campagnes électorales. Ainsi aux régionales 2004 et 2010. Il est aussi responsable de la Fédération du Nord du PCF.

 

DailyNord : Quid du Canal Seine Nord ?

Fabien Roussel : Oui, mais ! Il sera utile et efficace si les investissements supplémentaires sont faits pour relier Dunkerque, même chose avec Le Havre. Et si l’on relie les ports fluviaux existants au canal Seine-Nord. De même il faut développer le ferroutage (combinaison du fer et de la route, ndlr). Nous sommes la première région de construction automobile de France avec 500 000 véhicules par an. Pas un seul ne passe par Dunkerque ! Il y a quand même des synergies à avoir !

DailyNord : Et pour l’agriculture ?

Fabien Roussel : Le productivisme agricole n’a plus de sens. On assèche la terre. On épuise les bêtes. Il faut remettre un interlocuteur entre l’industriel, l’agriculteur et les grandes surfaces. Aujourd’hui, l’agriculteur est acculé. A l’échelle de la Région, je suis pour la création d’une plateforme régionale d’achats de produits agricoles destinés aux cantines, aux hôpitaux. Une forme de circuits courts. Il est inadmissible que nos enfants mangent à la cantine du poulet congelé qui vient de l’autre bout du monde, pendant qu’on ferme Doux à Graincourt. Soyons biolcheviks et écolococos !

DailyNord : On va finir par croire que vous voulez un kolkhoze ?

Fabien Roussel : Je veux que nous reprenions notre destin en main. On va être compétitif en répondant aux besoins des gens, en soutenant nos filières industrielles. On va avoir besoin de 10 000 emplois dans l’automobile d’ici cinq ans dans la région. Ou on laisse faire les constructeurs, et ils embaucheront des intérimaires, ou on est là pour que ça donne des CDI. Au niveau de la formation, il faut aussi rouvrir les filières STI, fermées dans les lycées de la région. Nous avons beaucoup de leviers. Comme par exemple créer une banque publique régionale de dépôt qui fonctionnerait sur internet. Et qui proposerait des prêts à taux 0% aux collectivités. Actuellement, les banques régionales cumulent 114 milliards de dépôts.

“J’avais proposé une présidence tournante. Sandrine pendant trois ans, moi pendant trois ans.”
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Evidemment, même quand il s’exprime,  Fabien Roussel regarde sur sa gauche. Photo : DailyNord.

DailyNord : Certains points de votre programme se rapprochent en tout cas de Sandrine Rousseau, interviewée ici-même la semaine dernière ?

Fabien Roussel : J’ai fait beaucoup de propositions à Sandrine. Une liste à parité, un binôme de têtes de listes avec les deux noms sur le même plan. J’étais même prêt à ce qu’elle soit la première sur le Nord. J’ai proposé beaucoup, je ne peux pas faire beaucoup plus.

DailyNord : Il n’y a donc plus d’accord possible ?

Fabien Roussel : Si ce n’est pas fait cette semaine, c’est mort, on ne peut pas refaire toutes les listes au dernier moment avant le dépôt définitif des listes début novembre.

DailyNord : Vous vouliez un binôme de tête de liste, mais qui aurait été le président de Région, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit ?

Fabien Roussel : J’avais proposé une présidence tournante. Sandrine pendant trois ans, moi pendant trois ans.

DailyNord : C’est ça qu’il faut que vous proposiez à Pierre de Saintignon !

Fabien Roussel : A Pierre de Saintignon, j’ai proposé par courrier que 39 parlementaires de gauche de la région Nord – Pas-de-Calais – Picardie s’associent à nos huit Front de Gauche en Nord – Pas-de-Calais/Picardie pour ne pas voter ce budget d’austérité à l’assemblée nationale. Si les quarante-sept parlementaires s’unissent… alors je dis que tout est possible.  L’union, c’est dans les actes qu’on la construit. Ce serait un vrai Front populaire. Je suis pour !

DailyNord : Donc, avant le dépôt des listes début novembre, on peut avoir une liste commune avec Pierre De Saintignon ?

Fabien Roussel : Il faudrait qu’ils donnent un signe fort…

DailyNord : Que faites-vous en cas de second tour ? D’autant que vous n’êtes pas sûr d’y être selon les derniers sondages ?

Fabien Roussel : On fait 9% au dernier sondage… sans que la campagne soit commencée (dans le cas de figure où le Parti de gauche était avec Fabien Roussel, voir dernière question, Ndlr). Mais ne me demandez pas ce que je ferais au second tour, c’est comme une course de haie, il faut franchir la première. Mettre la perche le plus haut possible au premier tour, et je n’imagine rien d’autre.

DailyNord : Est-il difficile de faire entendre votre voix dans un scrutin très nationalisé, avec deux figures nationales, Marine Le Pen et Xavier Bertrand, en lice dans la région ?

Fabien Roussel : C’est une mini-présidentielle, ces treize régions. Quant à Marine Le Pen, je ne comprends pas la fascination des médias pour elle et lui font sa campagne. Je réclame le même traitement, pas plus pas moins. Quand elle va sur un marché, il y a un article qui l’annonce, un article qui raconte. Certains médias sont responsables de cette montée du FN aussi. Ils jouent le deuxième tour avant le premier. Un jeu dangereux, y compris de la part des journalistes, qui me disent qu’il faudrait une union de la gauche…

DailyNord : Il n’y a pas de parlementaires sur votre liste aux Régionales. Pourquoi ?

Fabien Roussel : Ça reste ouvert. Jusqu’à cette semaine, l’union avec les Verts reste possible. Les listes entre le premier et le second tour peuvent évoluer. Mais je suis contre le cumul, il n’y aura pas de parlementaires élus au conseil régional.

La capitale régionale ? “A Suzanne !”

DailyNord : Demain, Fabien Roussel, président de Région, on la met où la capitale ?

Fabien Roussel : A Suzanne ! C’est dans la Somme où je vais pêcher et où j’ai un bungalow ! Plus sérieusement, je suis contre une capitale régionale qui éloigne les gens des lieux de décision. Je suis pour une multiplication des antennes de la Région dans tous les bassins de vie. Et pas en fonction du nombre d’habitants, mais en fonction de la distance. Et ça, ça veut dire maintien des emplois du Conseil Régional contrairement à Marine Le Pen et Xavier Bertrand, dont la première mesure est un plan social.

DailyNord : Un nom pour cette région ?

Fabien Roussel : Pour le nom, on prendra le temps. Il y aura une consultation démocratique et populaire.

DailyNord : Enfin, question pratique. Qu’est-ce que le Front de Gauche aujourd’hui ? Parce qu’une partie a rejoint la liste de Sandrine Rousseau…

Fabien Roussel : Le Front de gauche, ce sont des citoyens non cartés, le mouvement Ensemble de Clémentine Autain, le Parti de Gauche, la Gauche Unitaire et le PC. Le Parti de Gauche a choisi de suivre Sandrine Rousseau, c’est son choix. Mais nous sommes le Front de gauche, sans le Parti de Gauche.

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