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Blog des Militants Communistes d'Arras

Blog de la section du Parti Communiste d'Arras. 14 avenue de l'hippodrome 62000 mail: arraspcf@gmail.com

ENTRETIEN avec Aurore Martin

ENTRETIEN
avec Aurore Martin, militante de Batasuna

Aurore Martin s'était vue remettre lundi 8 novembre, une convocation à la gendarmerie de Saint-Jean-Pied-de-Port pour le lendemain. Transférée à Pau, le procureur y a finalement ordonné le jour même, son incarcération à la prison de Seysses en attendant l'étude du mandat d'arrêt européen déposé par l'Etat espagnol à son encontre. En mai dernier, Aurore Martin avait déjà fait l'objet d'un mandat d'arrêt, alors rejeté par le tribunal de Pau. Finalement relâchée au bout d'une semaine de détention, elle attend aujourd'hui le verdict, qui sera prononcé mardi prochain.

C'est la deuxième fois que vous passez devant le tribunal de Pau en 6 mois. En mai dernier, le mandat d'arrêt avait été rejeté, qu'est-ce qui a changé depuis ?

Le premier mandat d'arrêt européen (MAE) posé par le juge a été rejeté au motif qu'il était «peu clair et précis». Cette fois-ci, le juge a repris exactement le même dossier, avec la même affaire, mais il a ajouté les détails. Il y a six dates, les lieux, et des faits précis, qui concernent tous ma participation à des meetings ou à des conférences de presse des deux côtés du Pays Basque. Ce que l'on me reproche en clair, c'est mon appartenance au bureau de Batasuna et d'avoir été salariée du parti communiste EHAK, Euskal Herrialdeetako Alderdi Komunista, avant même que celui-ci ne soit interdit.

Avez-vous l'impression que l'on veut vous faire payer votre militance ?

En partie, oui. Je pense aussi que l'Espagne fait fortement pression sur la France pour qu'elle se positionne vis-à-vis de la question de l'illégalisation de certains partis. En acceptant le mandat d'arrêt européen, ce serait une manière de ne pas prendre position officiellement et de donner satisfaction à l'Espagne en envoyant les personnes être jugées là-bas. En tout cas la France va devoir avancer sur cette problématique.

Et si ce devait être dans un sens qui vous est défavorable ?

Alors ce serait la porte ouverte à de grosses dérives. Le droit à l'expression me paraît légitime. Je refuse d'être jugée par un pays qui n'accepte pas Batasuna en tant que parti et qui censure notre liberté d'expression. Il est déjà très inquiétant de voir que l'Espagne peut mettre une telle pression sur des militants ici alors que les codes juridiques diffèrent ! C'est hallucinant ! D'autant plus dans le contexte actuel : une résolution politique du conflit armé ne se fera jamais sans la gauche abertzale et Batasuna.

Vous êtes-vous posé la question de savoir pourquoi vous ?

Comme je l'ai dit, la France doit faire un geste envers nous. Ce second mandat d'arrêt est donc un test pour l'Espagne : si ça passe avec moi, ça passera avec les autres. Je ne suis pas la seule sous cette menace. Pourquoi y a-t-il eu un ordre d'interpellation cette fois-ci et pas la dernière fois ? Qu'est-ce qui a changé ? Rien du tout. Rien a changé depuis mai. J'ai une famille et un travail. Il m'a fallu du temps pour réaliser, comprendre que les règles juridiques des MAE étaient différentes. Je ne m'attendais pas du tout à ce retour de flamme.

Que vous a-t-on dit ?

J'ai reçu une convocation la veille qui m'invitait à me rendre au commissariat de Saint-Jean-Pied-de-Port pour accepter ou refuser le mandat d'arrêt européen. Je ne savais pas, alors, ce qui m'attendait : ils avaient décidé de m'envoyer directement en prison. Avant mon incarcération, le procureur m'a simplement dit que j'étais stupide de ne pas m'être présentée aux autorités espagnoles. J'avais mes raisons de refuser et j'ai trouvé son appréciation très personnelle. Ça ne représentait pas non plus un réel motif d'incarcération.

Comment avez-vous vécu cette semaine d'incarcération ?

C'est l'entrée en prison qui est très dure. Vous n'avez plus de moyen de communiquer avec l'extérieur. Vous ne savez pas si votre famille est au courant et vous n'avez pas non plus de courrier. Attendre complètement coupée du monde, ça rallonge les journées. Il faut aussi comprendre pourquoi on est là. Pour moi, puisqu'on m'avait incarcéré, c'était qu'ils comptaient aller jusqu'au bout de la procédure d'extradition. Je ne m'attendais même pas à être libérée mardi. Je croyais que c'était fini.

Cela doit aussi avoir beaucoup d'impact sur votre entourage...

C'est très difficile pour la famille de subir ça. Il y a beaucoup d'incompréhension. Ce qui ressort le plus je crois, c'est une sensationd'injustice. Nous prenons le temps de discuter. Il est vrai qu'en tant que militante, je sais que c'est contraire à un certain cadre. Que ce soit politique, agricole ou autre, le mode choisi par la France et l'Espagne pour traiter lemilitantisme est répressif. Aujourd'hui, le droit de militer fini souvent par la case justice.

Le verdict est attendu mardi. Vous avez peur ?

Oui. Très. Quand on sait ce que c'est que l'audience nationale et qu'on lit le compte rendu de certains procès, c'est effrayant. On risque 12 ans de prison pour de simples déclarations publiques. Alors oui, je suis terrifiée. Je ne peux pas m'imaginer être jugée par un pays dont je maîtrise à peine la langue. Et puis je vais aller me défendre de quoi là-bas, alors qu'il ne légitime pas Batasuna ? Je vais me livrer, simplement. Je ne comprends pas pourquoi je serai jugée sur mes opinions politiques. Je n'ai influé que par le biais d'une campagne politique et agis par le vote. Je me demande : qui terrorise qui ? J'ai l'impression de devenir un point d'acharnement. La stigmatisation et la médiatisation juridique doivent sûrement servir à me criminaliser et à me faire entrer dans un stéréotype. Si ce n'est pas moi, ce sera quelqu'un d'autre. Si le MAE est refusé, je vivrai dans la crainte qu'il y en ait un troisième qui suive. S'il est accepté, il ne me restera qu'un recours. Mais quel avenir pour nos droits ? On veut me juger sur des idées.

Vous avez pris connaissance de la pétition de soutien des élus, j'imagine...

Oui, c'est incroyable le travail qui a été réalisé en une semaine ! Je sais que ça m'arrive à moi, mais le fait est que c'est une question primordiale pour l'avenir de Batasuna en Pays Basque Nord, mais aussi les citoyens en général. Ces signatures montrent que ce qui se passe n'est pas un événement normal. La liberté d'expression et de parole est un droit. Celle d'émettre une opinion et de proposer un projet politique aussi. Ça n'est pas notre affaire, mais celle des droits civiques pour le futur.

Cyrielle Balerdi

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