5 Juin 2020
Appliqués sur les comptes courants pour les incidents de paiement ou les découverts, les agios pouvant poser très lourd sur le budget d'un ménage. Jusqu’à 296 euros par an pour les plus précaires contre 36 pour la population dans son ensemble. Allard/Réa
L'Assemblée nationale a examiné, jeudi, un projet de loi visant à plafonner ces prélèvements.
La majorité préfère miser sur la « bonne volonté» des établissements financiers.
Alors que la crise économique, qui va découler de la crise sanitaire, s’annonce particulièrement violente, l’Assemblée nationale a débattu, jeudi 4 juin, du plafonnement des frais bancaires. Appliqués sur les comptes courants pour les incidents de paiement, les découverts et les différentes interventions des banques, ces frais peuvent peser très lourd sur le budget d’un ménage.
A fortiori lorsque celui-ci est en difficulté financière : les incidents de paiement peuvent alors se multiplier, et les recettes encaissées par les banques également. Avec la crise économique en perspective, les responsables politiques se préoccupent donc de répondre à une très probable inflation des arriérés bancaires.
Jeudi, c’est une proposition de loi qui a permis à l’Assemblée de débattre de cette question. Pour les ménages en difficulté financière, ces frais atteignent en moyenne 296 euros par an, a rappelé le député, contre 34 euros pour la population dans son ensemble.
La facture peut même parfois dépasser les 3000 euros annuels pour les clients qui subissent le plus de rejets et d’incidents de paiement. Ce n’est pas la première fois que cette question revient au centre du débat public : en décembre 2018, le gouvernement avait passé un accord non contraignant avec les banques, qui s’engageaient à «limiter» les frais «au regard de leur politique commerciale », ainsi que l’a rappelé le projet de loi.
L’objectif de ce texte est de mettre en place un plafonnement contraignant. |
« Les petits comptes des gens modestes ponctionnés »
Or cette bonne foi rencontre des limites : « La persistance de taux d'intérêt bas pousse les établissements bancaires à améliorer leurs marges sur d’autres postes de recettes, souligne le projet de toi dans son exposé des motifs.
C'est notamment ce qui explique l’explosion des frais bancaires, dont il est intéressant de souligner que le bénéfice qu’ils génèrent annuellement correspond peu ou prou aux dividendes versés aux actionnaires de ces établissements. »
L’objet de ce projet de loi est donc de mettre en place un plafonnement contraignant, de droit, et «sans distinction de clientèle déterminée “fragile’’ sur des critères subjectifs et variables d’une banque à l’autre ». Le texte a voulu donc fixer ce plafond à 2 euros par incident, dans la limite de 20 euros par mois et de 200 euros par an.
Le député PCF Stéphane Peu l’a en effet défendu, dénonçant des frais ponctionnés sur «les petits comptes des gens modestes » et qualifiant les 6,5 milliards d’euros d’incidents collectés chaque année par les banques de « taxe privée ». Les socialistes, qui avaient présenté un projet de toi similaire au Sénat, ont rappelé qu’il a été adopté le 28 mai. Mais dans une version remaniée et amoindrie, pour un plafonnement à 25 euros mensuels pour l’ensemble des ménages les plus précaires et les plus « fragiles ».
Des soutiens sont également venus au-delà des rangs de la gauche : l’UDI a annoncé voter pour, de même que le nouveau groupe EDS, ou Libertés et Territoires. Dans les rangs de la majorité et de la droite, le tir de barrage a été immédiat, dès la discussion générale, et avec des arguments osés.
Pour LaREM, le projet de loi risquerait de « profiter aux riches et est contraire à l’inclusion bancaire». Sous-entendu, en plafonnant les frais pour tout le monde, on les plafonne aussi pour les riches. Oubliant au passage qu’ils ne sont pas nombreux à subir des incidents de paiement... Chez « Les Républicains », on a également avancé « le risque d’exclusion bancaire des plus fragiles».
En somme, si les ménages en difficulté ne rapportent plus suffisamment de frais bancaires, les banques risquent de s’en débarrasser.
Au-delà de ces arguments, la majorité s’est surtout acharnée à défendre la «contractualisation», plutôt qu’un plafonnement par la toi. Le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a ainsi annoncé un élargissement du plafonnement pour les ménages les plus fragiles, dont ils bénéficieraient plus longtemps, mais toujours dans ce cadre non contraignant.
Avec, en mesure de rétorsion, si les banques venaient à manquer à leurs engagements, un « name and shame», soit une dénonciation publique des établissements bancaires concernés...
L'humanité DIEGO CHAUVET