Une double commémoration Par Dominique BELMER et Pierre OUTTERYCK

Mai 1942, côte à côte Martha Dcsrumaux. déportée à Ravcnsbruck et Ambroise Crouat, emprisonné au bagne d'Alger métallo, ministre du Travail, fondateur en 1946 de la Sécurité sociale m

En juin 1943, L'Enchaîné journal clandestin du Parti communiste pour le Nord-Pas-de-Calais, annonçait la création du Conseil national de la Résistance (CNR) Quelques jours plus tard, Jean Moulin (1899-1943), arrêté à Lyon par la Gestapo, était retrouvé assassiné près de Metz. Jean Moulin avait été l'organisateur de cette première réunion clandestine du CNR le 27 mai 1943 tenue à Paris au premier étage du 48, rue du Four.

Le CNR réunissait les deux organisations syndicales clandestines : la CGT et la CFTC : tous les partis opposés à Vichy et en particulier le Parti communiste ; des grands mouvements de Résistance, entre autres le front national de lutte pour la libération et l’Indépendance de la France.

De cette réunion naît la volonté de rédiger un programme destiné à reconstruire la France dès sa libération.

Ce programme décidé à l'unanimité recevra ce beau nom : Les Jours Heureux.

Publié en mars 1944, Les Jours Heureux sera porteur d'un pacte social:  droits nouveaux pour les travailleurs, création de la Sécurité sociale et des retraites, mise en place des comités d’entreprises, nationalisation des banques et des assurances et des sources d’énergie avec la création des Charbonnages de fiance et d’EDF-GDF

Une date mémorielle

Ce 27 mai 1943 est une date extraordinaire :  autour de Jean Moulin se retrouvent des hommes de milieux et de philosophies différents,  aux parcours contradictoires qui s’étaient souvent opposés avant-guerre.

Face à l’occupant et à Vichy, craignant de voir le pays mis sous tutelle par les Alliés, ces hommes et leurs organisations, malgré les répressions et la clandestinité, se sont unis pour reconstruire une République indépendante, sociale et laïque. A juste  titre, le 27 mai est devenue une date mémorielle.

Deux ans plus tôt ,le 27 mai 1941, deux jeunes militants communistes, Michel Brulé et Georges Derœux, débranchaient les compresseurs au fond de la fosse du Dahomey à Montigny-en-Gohelle 

La grève était lancée ; en trois jours, plus de 100 000 « gueules noires » refusaient de descendre au fond et d'extraire du charbon qui aurait alimenté la machine de guerre allemande

De Crespin à Auchel, les molettes ne tournaient plus, la grève était totale ….

Pour éviter toute répression, les mineurs restèrent dans leurs corons. véritables maquis difficilement accessibles par la Gestapo et la Feldgendarmerie….  

Certains dirigeants se cachèrent dans le lacis des installations industrielles ou des exploitations ferroviaires.

Les femmes, quant à elles, jouèrent un rôle essentiel dans cette grève en favorisant la mobilisation, en créant des piquets de grève mobiles à la sortie des corons Le 4 juin 1941. 

Plusieurs centaines de femmes manifestèrent au cri de : « Pas de carbon pour les Boches ! » devant les Grands bureaux des Compagnies des mines à Billy Montigny. Elles furent durement réprimées par la gendarmerie française et l armée allemande.

Cette grève fut préparée dès juillet 1940 par un petit groupe d'hommes courageux réunis par Martha Desrumaux à Dechy le 27 juillet 1940

Martha Desrumaux

La plus grande grève dans l'Europe occupée

En cet été 1940, la peur, la résignation, le désarroi, la faim s étaient emparé de notre région. Rares étaient ceux qui étaient prêts à résister malgré l'appel du général de Gaulle à la BBC le 18 juin.

Martha et ses camarades mesuraient la détresse des populations et leur misère. Elle connaissait aussi la capacité de luttes des mineurs et l'intérêt du charbon pour l'occupant. Des cahiers de revendications circulèrent très vite.

Dès l'automne 1940, et plus encore en janvier 1941, des débrayages et des grèves stoppèrent la production. Le 1^er mai 1941 fut une journée de mobilisation où la  Croix de Lorraine gaulliste et les faucilles et marteaux communistes, tracés durant la nuit, ornèrent les murs alors que drapeaux rouges et tricolores pavoisaient mâts, pylônes..

Les femmes, les travailleurs immigrés se trouvèrent côte à côte  dans ce combat avec des mineurs qui avaient en mémoire les grandes luttes et les grands conquis du front populaire

Ainsi, pendant neuf mois, la mobilisation articulant grèves revendicatives et mouvements patriotiques, animée par Martha Desrumaux dans le Nord et Auguste Lecœur et Nestor Calonne dans le Pas de Calais dès novembre 1940, se prépara dans tout le Bassin minier.

La grève dura quinze jours. 500 000 tonnes de charbon n'ont pas alimenté la machine de guerre nazie.  À la mi-juin, les compagnies minières concédèrent à quelques revendications.

Ce mouvement fut la plus grande grève dans l’Europe occupée.

N'oublions pas que le premier convoi de déportés qui partit pour le sinistre camp nazi de Sachsenhausen fut formé exclusivement de 244 mineurs.

136 n'en reviendront pas !

Chaque année, des manifestations ont lieu dans de nombreuses villes minières pour célébrer ce premier grand mouvement de la Résistance À Montigny-en-Gohelle, elle rassemble plusieurs centaines de manifestants. Cette année, il n'est pas possible de l'organiser.

« Pas de carbon pour les Boches ! »

Afin que le combat et les valeurs de nos aîné-es ne soient pas oubliés, nous proposons que dans chaque commune du Bassin minier les sirènes retentissent à 10 h ce 27 mai

L'étincelle vint du Pays noir ; elle anima la flamme de la Résistance populaire !

•Co-présidents de Création recherche innovations sociales   

Les sirènes ne retentiront pas

Finalement les habitants n'entendront pas les sirènes ce 27 mai.

Le sous-préfet, saisi officiellement de b demande, n'a pas souhaité apporter une réponse favorable ...