9 Mai 2020
LE SENS DES MOTS
Tout est question de vocabulaire.
Nous passons des heures à trouver le mot juste. Et d'un seul coup, face à la réalité, il s'écroule, force que faiblement armé, il n'arrive pas à dépasser dans le débat le sens que lui donnent nos adversaires.
Prenons un mot comme capital. Il est de moins en moins usité. Et pourtant quelle clarté, un éclat majuscule l'enrobe. Nous n'osons plus nous en servir, force que nos adversaires le connaissent eux si bien qu'ils passent leur temps à le faire grossir, leur capital.
En cette période de pandémie, le virus est l’adversaire.
Macron nous a même dit en mars que nous étions en guerre. Forcément en Mars, la guerre est éternelle. Soit, nous affrontons donc un ennemi invisible et nous pensons que tout le monde est penché sur le même sujet.
Eh bien non, certains imperturbables sont penchés sur leurs cassettes. Enfin leurs coffres, leurs comptes en banque, et, quand on dit penchés, c'est plutôt sur un écran. Qui dévoile, qui ne masque pas. Car, ici, c'est caché, mais uniquement à votre regard. Les lignes de chiffres défilent en ce moment sur les écrans des prompts calculateurs, avides au gain, arides aux soins.
Car, voyez-vous, sans masques, les soins sont altérés. Les meilleurs soins du monde ne peuvent être donnés que si une juste répartition du capital - tiens je connais ce mot - intervient et permet le fonctionnement des hôpitaux publics, et par exemple, l'achat de masques, si précieux pour la santé des médecins, des personnels soignants, comme des malades.
Après des mois de pénuries, voilà que le capital - quel vilain mot et pourtant si vrai - remet la main sur la circulation des masques. Et se sert au passage.
Et c’est là qu’à nouveau les mots provoquent un drame. Car qui organise, décide et punit ?
En cas de guerre, le gouvernement a les pleins pouvoirs. Ils ont bien fait voter une loi dans ce
sens. Mais qu'en font les ministres ?
Nous attendions des décisions, nous avons eu des mots. Des réquisitions de lits, de lieux, de masques, de gels... À la place, le marché s'installe, sans un mot.
Nous voici au milieu du gué, à quelques jours de la reprise progressive du marché, masquée sous le nom de déconfinement. Nous étions consignés pour notre santé. Nous allons sortir pour le bien de l'économie. Et le gouvernement, bien empêtré dans l'idée de planifier - un autre mot qui doit leur faire peur ? - parle de volontariat et le président de bon sens.
Quand nous écrivons ces lignes, le rendez-vous télévisuel de jeudi 7 mai n'a pas encore eu lieu. Mais, il n'y a rien à parier pour savoir que le 11 mai est le jour de la reprise, coûte que coûte.
Et le capital pense que c'est la clé du retour du profit, pas sûr que ça le soit pour notre principal capital, notre santé.