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19 Mars 2020
20 MARS 1940, À PARIS, LE PROCÈS DE 44 DÉPUTÉS COMMUNISTES
Pour anéantir le PCF déjà dissous, le gouvernement munichois, après le traité de non-agression entre Berlin et Moscou, s’attaque maintenant aux députés. Et c’est au tribunal militaire qu’ils ont droit, à huis clos...
Déchus de leur mandat, 44 élus du PCF sont envoyés devant le 3e tribunal militaire de Paris, qui condamnera la plupart à 5 ans de prison et à la privation de leurs droits. Au premier plan, Étienne Fajon en uniforme.
Le 20 mars 1940, alors que débutait, devant le tribunal militaire de Paris, le procès de44 parlementaires communistes pour trahison, Édouard Daladier, le chef du gouvernement, qui l’avait soigneusement organisé et mis en scène, était renversé à la Chambre des députés. La majorité de cette assemblée, dont les74 députés communistes avaient été chassés parce qu’ils refusaient de condamner l’intervention militaire soviétique en Finlande, lui reprochait, à lui, Daladier, de ne pas avoir envoyé des troupes au secours des Finlandais. Le pauvre ! il l’avait bien envisagé, mais il n’en avait pas eu le temps, Helsinki et Moscou ayant fait la paix (1).
On ne sait jamais, quand on fait de la politique, ce qu’il adviendra de ses actes ou ce que l’histoire en retiendra. Condamnés et incarcérés ou clandestins, les 44 députes communistes furent amnistiés par le général de Gaulle en 1943 ; parmi eux se trouvait Ambroise Croizat, dont l'histoire retient qu'il fut le créateur de la Sécurité sociale. À l'évocation du nom de Daladier, on pense à Munich, rien qu'à Munich.
Le 26 septembre 1939, Daladier faisait interdire le Parti communiste français (PCF) au motif qu’il soutenait le pacte denon-agression signé, le 23 août, par les ministres des Affaires étrangères allemand et soviétique. En fait, c’était depuis1938, depuis Munich, que la droite et une partie des radicaux au pouvoir réclamaient la dissolution du Parti. La répressioncontre le PCF battait déjà son plein : « l’Humanité » était interdite depuis le 26 août ; on comptait 135 condamnationsdans le seul département de la Seine entre le 26 août et le 7 septembre ; l’interdiction de toute réunion publique, depuisle 27 août, privait le Parti de toute expression publique.
Restait le Parlement. Les députés communistes présents à Paris se réunirent les 27 et 28 septembre. Ils décidèrent la formation d'un nouveau groupe ; le 29, le « tournai officiel » (« JO ») annonçait la création du Groupe ouvrier et paysan français (GOPF), dont le programme, pour qu'on ne puisse pas faire un lien avec la III Internationale, reprenait celui du Parti ouvrier français de Jules Guesde en 1890. Arthur Ramette était le président du groupe et Florimond Bonte son secrétaire général.
14 juillet 1939, les communistes défilent à Paris. Résonnent dans les cortèges les appels à secourir l’Espagne républicaine et ses réfugiés qui croupissent depuis le début de l’année dans des camps. Face aux nuages qui obscurcissent l’horizon, au PCF on envisage déjà de se préparer à la clandestinité...
Le 28 septembre, Moscou et Berlin, dans une déclaration conjointe d’inspiration soviétique, appelèrent la France etl’Angleterre à s’engager dans des négociations de paix avec Hitler. Jacques Duclos avança l’idée, approuvée parMaurice Thorez, d’écrire, au nom du groupe, à Édouard Herriot, président de la Chambre des députés. « Jacques aréalisé et recherché l’occasion coup d’éclat. Ce fut lettre à Herriot, manifestation que j’ai approuvée », lit-on dans lesnotes de Thorez (2).
Cette « lettre à Herriot » fut signée par 44 des 74 députés du PCF ; certains, alors mobilisés, n’avaient pu la signer,d’autres n’étaient pas d’accord. Au total 27 députés et un sénateur ne suivirent pas la direction du Parti.
Les auteurs de la lettre affirmaient qu’une guerre de longue durée serait terrible pour la France, « et compromettrait à la fois son avenir et ses libertés démocratiques » ; qu’elle conduirait le pays « à l’aventure et aux pires catastrophes ». Ils croyaient qu’il était possible d’obtenir rapidement « une paix juste et durable (car,) en face des fauteurs de guerre impérialistes et de l’Allemagne hitlérienne en proie à des contradictions internes, il y a la puissance «le l'URSS, qui peut permettre la réalisation d'une politique de sécurité collective susceptible d'assurer la paix et de sauvegarder l'indépendance «le la France ».
Le Komintern, contraint par le pacte germano-soviétique, analysait la guerre qui débutait comme un conflit « Interimpérialiste », ainsi que Staline l'avait définie. Le 3 octobre 1939, le secrétariat de l’Internationale communiste télégraphiait à Duclos, Ramette et Bonte: « Considérons lettre de Ramette à Herriot comme une erreur. Communistes français ne peuvent prendre ni initiative ni responsabilité pour la conclusion de la paix par gouvernements bourgeois France, Angleterre, Allemagne, parce que ce serait une paix impérialiste, source de nouvelles guerres (3). »
Fin novembre 1939, avec l’invasion de la Finlande – opération défensive de l’Armée rouge après l’annexion
de l’Autriche par Hitler et le démantèlement de la Tchécoslovaquie
(ici, accords de Munich signés par Daladier) –,
la répression des communistes va s’intensifier en France.Car la signature du pacte de non-agression entre Berlin et Moscou, le 23 août 1939, avait déjà donné prétexte au gouvernement de « mettre à raison » et poursuivre les députés communistes, comme l’avait promis le ministre des Affaires
étrangères, Georges Bonnet, 2 mois plus tôt à l’Allemagne.
Formellement, la lettre adressée à Herriot n’enfreignait aucune loi, mais Daladier, ses amis de droite et de gauche et la presse en firent un prétexte pour accuser le P C F de « trahison » et faire des communistes les « ennemis de la France ». La répression s’accentua. Sarraut, le ministre de l’Intérieur, en dressera le bilan en mars 1940 :
« 300 conseils municipaux communistes ont été suspendus ; 2 778 élus communistes déchus de leur mandat ; les quotidiens “l’Humanité”, 500 000 exemplaires, et “Ce soir”, 250 000 exemplaires, sont supprimés ainsi que 159 autres “feuilles” ; 620 syndicats ont été dissous ; 11 000 perquisitions ont eu lieu ; 675 dissolutions de groupements politiques ; au 7 mars (1940) 3 400 militants ont été arrêtés. Il y a de nombreux internements dans les camps de concentration ; 10 000 sanctions ont été prises contre les fonctionnaires communistes. »
Parmi les élus déchus se trouvaient les députés. Le 16 janvier 1940, Étienne Fajon, en permission, monta à la tribune de la Chambre sous les huées, un député allant jusqu’à réclamer « le coup de pistolet derrière la nuque » (4).
Fajon protesta contre les persécutions dont ses camarades faisaient l’objet. Il déclara que « le territoire finlandais constitue aux yeux des impérialistes de Paris et de Londres une base d’attaque éventuelle contre l’Union soviétique » et dénonça la guerre. La Chambre vota la déchéance des députés du GOPF. Bonte et Fajon, signataires de la lettre à Herriot, furent immédiatement arrêtés.
Entre-temps, des poursuites avaient été engagées contre le GOPF au motif que sa lettre à Herriot constituait une infraction au décret de dissolution du PCF. Un commissaire du gouvernement (procureur) avait été nommé auprès du tribunal militaire, le colonel Loriot, et le capitaine de Moissac se chargea de l’instruction. Il demanda à tous les prévenus s’ils reniaient leur appartenance au « PC mondial (sic) dont le PCF n’est qu’une section », s’ils désavouaient la discipline de l’Internationale, le pacte germano-soviétique, la lettre à Herriot (5).
Le procès débuta le 20 mars 1940 et se poursuivit jusqu’au 3 avril. Les premières séances étaient publiques. Madeleine Jacob, une journaliste connue qui avait travaillé pour « Ce soir », dirigé par Louis Aragon et Jean-Richard Bloch avant son interdiction, couvrait le procès pour « l’Œuvre », qui n’était pas encore entre les mains de Marcel Déat. Elle raconta dans ses mémoires : « Un colonel répondant au nom charmant de Gaffajoli présidait. Il tint à mettre en garde les accusés dès l’ouverture des débats, histoire que chacun com prît bien dans quel climat se dérouleraient ces débats-là : il était interdit aux accusés de faire certaines déclarations politiques, interdit de mettre en cause des personnalités qui, précisait le président, n’ont rien à voir dans le débat. Tout le monde avait compris. Ainsi, dès la première minute du procès, chacun était fixé sur la manière dont il se déroulerait. »
Les avocats de la défense comptaient pour moitié des communistes, avec à leur tête Marcel Willard, et des non-communistes, dont le plus brillant était Alexandre Zévaès.
Lorsque Gaffajoli demanda le huis clos, Me Zévaès répondit : « Il n’y a, Messieurs, et il m’est pénible de le rappeler, qu’un procès fameux qui ait été jugé à huis clos. C’est le 22 décembre 1894, le procès intenté au capitaine Alfred Dreyfus devant le premier conseil de guerre siégeant au Cherche- Midi. (…) Par conséquent, j’ai le droit de vous dire : ni la loi, ni la jurisprudence, ni l’histoire ne justifient le huis clos que vous demandez. Et alors, pourquoi le demandez-vous ? Ah, je vais vous dire pourquoi vous le demandez. Je vais vous le dire. Parce que vous redoutez le retentissement que pourraient avoir certaines déclarations des accusés. Parce que vous redoutez la répercussion que leurs réponses pourraient avoir dans l’opinion. Parce que vous redoutez que ce prétoire ne se transforme en tribune. (…) Votre demande de huis clos, c’est, au seuil même de cette première audience, votre impuissance à justifier les accusations que vous portez contre ces hommes. Votre demande de huis clos, c’est la banqueroute de l’accusation. »
L’avocat avait raison. Daladier avait voulu ce procès pour anéantir définitivement le Parti communiste et réaliser contre lui, autant que contre les Allemands auxquels on avait déclaré une guerre qu’on ne faisait pas, une nouvelle « union sacrée ». Le huis clos réduisait cet objectif à néant. De leur côté, les communistes voyaient ce procès comme une occasion de s’expliquer et de condamner publiquement cette guerre que l’Internationale qualifiait d’« impérialiste ». Le huis clos les en empêchait. Il leur fallut, dans la clandestinité, tirer des tracts pour répercuter la parole des parlementaires à la barre du tribunal. Ce n’était ni facile ni très efficace, alors que nombre de militants étaient dans la plus grande confusion depuis le pacte et l’entrée en guerre.
Les députés Florimond Bonte, François Billoux, Étienne Fajon, Waldeck Rochet et d’autres ainsi que leurs avocats protestèrent avec véhémence contre l’accusation de traîtrise, défendirent la politique du Parti et du Komintern, et manifestèrent leur solidarité avec l’Union soviétique. Jacques Duclos, qui se trouvait alors à Bruxelles, informé des débats, exprima à Benoît Frachon, qui dirigeait alors le Parti à Paris, sa satisfaction : « On constate que nos camarades ont affirmé leur fidélité au Parti, à l’Union soviétique, au camarade Staline et qu’ils ont attaqué le gouvernement. » II estimait cependant qu’ il eût été préférable de faire moins de déclarations de « patriotisme » et d’attaquer Daladier « pour l’accuser d’avoir préparé la guerre impérialiste ».
Dans la déclaration finale, qu’il lit au nom de tous les accusés, François Billoux fit le procès du procès : « Nous avons été arrêtés et nous sommes poursuivis parce que nous sommes communistes, parce que nous sommes restés communistes malgré les sollicitations, malgré les menaces, malgré la répression… »
La mobilisation est annoncée le 2 septembre, au lendemain de l’invasion de la Pologne. Daladier fait adopter une série de décrets établissant la censure de la presse, cinéma, radio..
« L’Humanité » est saisie, toute presse communiste est interdite et le siège du PCF, dissous, est perquisitionné.
La Chambre des députés lève l’immunité parlementaire des communistes qui ont formé le Groupe ouvrier et paysan français en réponse à l’interdiction du PCF, au motif qu’ils refusent de condamner l’opération militaire soviétique en Finlande. Ils sont déchus de leur mandat début 1940.
Paris est livrée sans combat à l’ennemi le 14 juin 1940. Le 17, le dirigeant communiste Charles Tillon lance depuis Gradignan, où il se cache, l’appel à la résistance contre l’occupant nazi.
C’est l’appel qui fondera bientôt l’organisation clandestine des Francs-tireurs et partisans. Les actions de résistance et de sabotage vont commencer.
Le 3 avril 1940, 36 députés communistes furent condamnés chacun à cinq ans de prison, 5 000 francs d’amende et à la déchéance de leurs droits civils et politiques (neuf par contumace dont Thorez et Péri).Huit autres, dont trois grands blessés de 14-18 (Pierre Dadot, amputé d’une jambe, Félix Brun, amputé des deux, Jean Duclos, le frère de Jacques, gueule cassée), et trois qui avaient désavoué le Parti, le furent avec sursis, mais ils furent arrêtés comme les autres. La plupart des condamnés, après avoir connu plusieurs prisons en France, furent finalement internés en Algérie. À l’ouverture du procès, Madeleine Jacob racontait : « Tout au fond derrière la balustrade où se tenait le public debout, un gamin de 14 ou 15 ans, les paraissant à peine, suivait les débats avec une attention bouleversante. Ce gosse avait son père dans le box. Ce gosse s’appelait Guy Môquet… »
Le 20 mars 1940, commence le procès des députés du PCF. Le 3 avril, tous sont condamnés à la prison. Des mutilés de la Grande Guerre sont du lot. Ainsi que le futur fondateur de la Sécu, Ambroise Croizat, qui transite par 14 prisons avant d’être envoyé en1941 au bagne à Alger.
Bien que puissante, la France, officiellement entrée en conflit avec l’Allemagne, ne bouge
pas. La « drôle de guerre » a commencé. Le gouvernement préfère déployer le concept de « défense passive » (ici, en expo aux Invalides en juin 1939). Le véritable ennemi, c’est le PCF. Poursuivis et arrêtés, les militants communistes sont alors internés par centaines.
Dès 1939, les camps d’internement ont fleuri partout en France (Gurs, ici, dans les Pyrénées) pour rassembler et surveiller la cohorte des « indésirables », parmi lesquels « tout citoyen suspect de sympathie communiste ».
À la une de « l’Humanité » clandestine no 34 du 27 mars 1940 : « Nous sommes poursuivis et arrêtés parce que nous sommes des communistes. On peut prendre tous les décrets de dissolution qu’on voudra, on ne brisera pas notre conscience, notre foi, notre certitude que le communisme doit être demain le mode d’organisation du monde. » Déclaration de Billoux à l’audience du tribunal, le 23 mars.
Appel au "Peuple de France !" de juillet 1940 (dit Appel du 10 juillet 1940)
A la fin de juillet 1940 - soit un mois après la signature de l'armistice franco-allemand - le Parti communiste publie un Appel au " Peuple de France !" (Document 1) dans lequel il plaide pour la ...
http://pcf-1939-1941.blogspot.com/2013/12/appel-au-peuple-de-france-de-juillet.html