AFPA: Formateurs à recycler

D’ICI à la fin de 2019, l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) aura dégraissé autant que Ford (à Blanque- fort), ArcelorMittal et Goodyear réunis.

 Comme la direction l’a annoncé cet automne, 38 établissements (sur 150) vont fermer, et 1 541 agents vont pointer à Pôle emploi. 

Rebelote en 2020, si les comptes ne sont pas équilibrés. La logique gouvernementale est sans appel : quoique meilleur, le service public de la formation coûte beaucoup plus cher que les boîtes privées.

Créée au lendemain de la guerre, l’Afpa ambitionnait de « donner une deuxième chance »aux salariés peu qualifiés en développant la « formation par le geste »,avec les mêmes outils que les entreprises. « Un futur carreleur réalise vraiment un carrelage. Même chose pour un plombier ou un chauffeur routier »,souligne un formateur. L’Afpa propose aussi des hébergements. « Nous avons un centre qui forme à la restauration du mobilier d’art, à Chartres. Si des salariés viennent de Marseille, il faut bien les loger »,insiste le même.

La joie du marché

Mais, en 2012, les régions, qui ont désormais la haute main sur la formation continue, sont autorisées à recourir au privé : certaines boîtes font bien leur boulot et s’avèrent performantes dans la formation aux nouveaux métiers. D’autres cassent les prix, multipliant les pratiques folkloriques. La CFDT, deuxième syndicat de l’Afpa, a, par exemple, repéré une officine —. (Centre - Val de Loire) «préparant » aux métiers de plombier et de chauffagiste à partir de... radiateurs en carton.

A Châteauroux, le pôle de formation des chauffeurs routiers de l’Afpa s’est retrouvé, fin 2017, en concurrence avec une boîte qui proposait des stages a 6 euros l’heure. « A ce tarif, elle ne pouvait payer ni le gazole, ni le camion, ni le moniteur agréé », peste un formateur local.  Elle a tout de même raflé le marché, avant d’être reprise par un autre marchand de soupe... finalement placé en liquidation judiciaire.

Si tous les formateurs privés ne sont pas aussi créatifs, ils s’avèrent moins performants que leurs collègues du public. 

Selon le ministère du Travail, les taux de placement des uns et des autres six mois après une formation sont équivalents : un peu moins de 70 %. Mais 54 % des formés à l’Afpa décrochent un CDI, contre seulement 17 % des sortants d’un stage privé.

Bilan de cette concurrence, rappelé par la CGT : jusqu’en 2012, l’Afpa réalisait chaque année jusqu’à 50 millions d’excédents par an. Depuis, c’est le déficit qui atteint annuellement ce niveau...

Moyennant quoi la nouvelle directrice de ce service public émarge désormais à un salaire supérieur à celui de Macron. Supporter le désarroi de futurs chômeurs mérite bien une compensation...

Alain Guédé du Canard enchainé